Le vol de la guêpe

La guêpe est entrée par la fenêtre de la cuisine, attirée par je ne sais quelle odeur trompeuse qui ne l’aura menée vers aucune source de nourriture. Son exploration l’a portée jusqu’au salon dans lequel elle tourne maintenant dans un bourdonnement exaspérant. Sa programmation interne et sa configuration cérébrale ne lui permettent pas de comprendre qu’elle doit repartir par où elle est venue.

Ainsi tourne-t-elle en rond autour de moi.

Mais dire qu’elle tourne en rond est faux, puisque son vol est tout sauf circulaire : la guêpe vole jusque vers la lumière de la porte fenêtre où elle stationne en vrombissant le temps de se rendre compte qu’il n’y a aucun passage. Elle fait alors demi-tour, traverse le salon dans un vol désordonné qui semble explorer brièvement les quelques pistes lumineuses qui se distinguent, quant au détour d’une exploration n'ayant dévoilée aucune issue, la lumière de la porte à nouveau l’attire. Elle revient alors d’un vol direct et rapide pour se retrouver dans la même configuration que quelques secondes auparavant. Elle stationne quelques instants avant de refaire le même manège.

Il faudrait qu’elle adopte la démarche contre-intuitive de plonger dans l’espace sombre de la porte qui mène à la cuisine, mais le mur qui l’encadre, illuminé par l’éclairage de la porte-fenêtre, l’attire plus sûrement que ce qui doit lui sembler une impasse obscure.

Je me demande combien de temps il lui faudrait pour, de désespoir, tenter d'explorer cette option jusque là rejetée. Mais son incessant bourdonnement m’empêche de me concentrer sur ma lecture, ou peut-être ressens-je un fond de pitié pour cette bestiole dont j’ai dû tuer il y a peu tant des congénères, alors je me lève et vais ouvrir la porte fenêtre. De retour de sa énième exploration, une dernière fois attirée par la lumière, elle s’engouffre dans l’espace vers l’extérieur.

Je me demande si cette action va imprimer dans son matériel neuronal un feed-back en équivalent-pensée-guêpe du style "la persévérance vient à bout de tout".

Je me demande également quelle est la part dans nos vies de solutions qui ne nous effleurent même pas juste parce qu’elles s’éloignent trop de notre champ des possibles et que notre esprit étriqué n’y voit que d’obscures impasses.

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Flash back - Juillet 2022

 
Je voulais juste dérouler cette toile restée trop longtemps inutilisée afin de protéger de son ombre légère la porte orientée au Sud-Ouest.

Je suis restée immobile, stupéfaite devant le spectacle de ces nids déballés et de leurs habitantes énervées. Aurais-je dû rester immobile quand elles ont commencé à vrombir autour de moi ? J’ai pris le parti de m’éloigner, aussi rapidement que possible sans paraître précipitée, et en faisant aussi peu de mouvements que ce déplacement me le permettait…  Quelques-unes m’ont prise en chasse, quelques-unes seulement, qui m’ont tatoué au venin "mort aux vaches" dans le haut du dos.

Il y avait deux nids de cette taille, ainsi qu'une dizaine de nids plus petits.

On raconte que 2022 était une année à guêpes…