Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Fuzzy Shards
24 octobre 2022

Aux poètes empruntés...

De "Pour qui sonne le glas", emprunté un été pluvieux dans la bibliothèque de mes grand-parents, à cette époque où les cousins commençaient à venir moins longtemps, moins souvent, juste avant que nos adolescences respectives ne nous éloignent définitivement, je n'ai gardé (en plus d'une scène que j'avais ressassée, ne la comprenant pas) que cette formulation qui allait me poursuivre bien au-delà de ce que je ne pouvais alors imaginer : "ne demande pas pour qui sonne le glas : il sonne pour toi" (j'avais même oublié, des années durant, le lien avec le titre du livre, de même que le nom de l'auteur... je crois n'avoir commencé à m'intéresser aux références que lorsque j'ai commencé à pouvoir échanger sur mes lectures : à l'université).

Des romans de Jean d'Ormesson, quelques titres m'ont marquée plus que leur contenu (quand le titre d'autres ouvrages que j'ai pourtant préférés à la lecture me demandent des efforts pour les retrouver !) : "c'est une chose étrange à la fin que le monde", "un jour je m'en irai sans en avoir tout dit", "ces moments de bonheur, ces midis d'encendie", "je dirais malgré tout que cette vie fut belle".

 

J'ai compris pour d'Ormesson il y a quelques semaines, pour Hemingway, il y a quelques minutes :

 

John Donne :

No man is an island entire of itself; every man
is a piece of the continent, a part of the main;
if a clod be washed away by the sea, Europe
is the less, as well as if a promontory were, as
well as any manor of thy friends or of thine
own were; any man’s death diminishes me,
because I am involved in mankind.
And therefore never send to know for whom 
the bell tolls; it tolls for thee. 
.
.
.
Louis Aragon :
C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes.

Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit
D’autres viennent. Ils ont le cœur que j’ai moi-même
Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix.

D’autres qui referont comme moi le voyage
D’autres qui souriront d’un enfant rencontré
Qui se retourneront pour leur nom murmuré
D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages.

Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l’aube première
Il y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant.

C’est une chose au fond, que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre.

Oui je sais cela peut sembler court un moment
Nous sommes ainsi faits que la joie et la peine
Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine
Et la mer à nos soifs n’est qu’un commencement.

Mais pourtant malgré tout malgré les temps farouches
Le sac lourd à l’échine et le cœur dévasté
Cet impossible choix d’être et d’avoir été
Et la douleur qui laisse une ride à la bouche.

Malgré la guerre et l’injustice et l’insomnie
Où l’on porte rongeant votre cœur ce renard
L’amertume et Dieu sait si je l’ai pour ma part
Porté comme un enfant volé toute ma vie.

Malgré la méchanceté des gens et les rires
Quand on trébuche et les monstrueuses raisons
Qu’on vous oppose pour vous faire une prison
De ce qu’on aime et de ce qu’on croit un martyre.

Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fond
Malgré ces nuits sans fin à regarder la haine
Malgré les ennemis les compagnons de chaînes
Mon Dieu mon Dieu qui ne savent pas ce qu’ils font.

Malgré l’âge et lorsque, soudain le cœur vous flanche
L’entourage prêt à tout croire à donner tort
Indifférent à cette chose qui vous mord
Simple histoire de prendre sur vous sa revanche.

La cruauté générale et les saloperies
Qu’on vous jette on ne sait trop qui faisant école
Malgré ce qu’on a pensé souffert les idées folles
Sans pouvoir soulager d’une injure ou d’un cri.

Cet enfer malgré tout cauchemars et blessures
Les séparations les deuils les camouflets
Et tout ce qu’on voulait pourtant ce qu’on voulait
De toute sa croyance imbécile à l’azur.

Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle. 
.
.
.
Ainsi n'ai-je pas forcément toujours été totalement hermétique aux écrits poétiques, peut-être suffisait-il simplement qu'ils ne se dissent pas...? peut-être me fallait-il simplement les découvrir autrement qu'à travers un laborieux effort de mémorisation ou un traumatisant ânonnement devant une trentaine de paires d'yeux que seuls quelques ridicules bafouillages ou amusants lapsus parviendraient à animer.
.
.
Quelle tristesse, tout de même,
de ne retenir de certains ouvrages
que leur emprunt à d'autres !
.
.

ciel en route

Publicité
Publicité
Commentaires
G
Waouh... c'est dingue. Faudrait-il donc que j'emprunte mes titres à des poèmes pour qu'ils accrochent mieux le public ? Tout un programme... je vais y réfléchir. :D
Répondre
Publicité