Fuzzy shards - 2
Je salue cette dame que je vois presque tous les jours, elle me répond :
- Ah c'est vous ! j'ai failli ne pas vous reconnaître, sans votre chignon...
On m'a souvent donné des branches de houx, que je mets dans un vase en décoration (les fleurs de mon houx ne vont jamais jusqu'au fruit). Celui-ci m'a fait la curieuse surprise de... fleurir !
Elle m'explique qu'elle ne va pas le garder : "à quoi bon ? je l'ai lu, je ne le relirai pas, pourquoi le garderais-je ?"
J'ai hoché la tête, soudain pensive. Je n'arrive pas à me débarrasser d'un livre du moment qu'il m'a plu. Mais à y bien penser, à quoi bon entasser des dizaines de milliers de pages dont je suis quasi certaine que ma dyslexique descendance ne prendra jamais la peine de lire ?
En rentrant, j'ai contemplé mes piles, et vaguement essayé de les diminuer, en vain. Je ne veux pas me débarrasser de ces livres dont je pense que je pourrais encore avoir envie de les lire, même si le temps qu'il me reste ne me permettra pas de les relire tous, sauf à renoncer à en lire de nouveaux, ce qui est juste inenvisageable.
"Euh... je fais quoi, avec ça ? "
La jeune serveuse a souri, amusée, et m'a expliqué le principe de l'engin. Je suis retournée m'asseoir, fixant la bête sans oser la quitter du regard de peur de rater le signal, tout en méditant sur mon sentiment d'être de plus en plus souvent larguée dans les choses du quotidien.
Quand l'animal a mugi, je m'en suis emparé pour aller récupérer ma commande au bar ; résistant à une réflexion lady-granthamesque, je me suis contentée de le rendre à la jeune serveuse en lui disant que je ne savais pas comment l'arrêter... à son sourire, j'ai compris que j'avais fait sa journée. Et que j'aurais eu encore plus de succès en surjouant mon ignorance.